Pour favoriser l’émergence des talents « handi », une réforme du régime des intermittents s’impose !
Publié le 11 février 2025 à 10h40
Alors que l’on célèbre les 20 ans de la « grande loi sur le handicap » du 11 février 2005, Julien Richard-Thomson, président du Syndicat des Professionnels du Cinéma en Situation de Handicap (SPCH), rappelle que le taux d’emploi de personnes « handi » dans le milieu de la culture est estimé à 1,5 % – au lieu des 6 % réglementaires. Et propose des pistes d’amélioration.
Sur le papier, la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », dite « loi de 2005 », a constitué une avancée majeure pour l’inclusion des personnes handicapées, dans de nombreux domaines, même s’il était déjà permis de déplorer que la culture demeure un angle mort de ce texte. Vingt ans après, quel bilan tirer dans le domaine culturel et spécialement le 7e art et la télévision ? Force est de constater malheureusement que la révolution inclusive n’a pas eu lieu, puisque les personnes handicapées sont toujours tenues éloignées des métiers du cinéma et de l’audiovisuel et plus généralement des professions de la culture. Dans ces dernières, le taux d’emploi des personnes handicapées est estimé à environ 1,5 % des effectifs, au lieu des 6 % réglementaires – le ministère de la Culture lui-même ne remplit pas cet objectif pour ses propres effectifs et vient d’annoncer un plan d’action.
Comment cela se passe-t-il sur, et derrière, nos écrans ? Si le sujet du handicap est probablement mieux traité qu’autrefois dans les films et les séries, avec plus de finesse dans l’écriture des personnages et des histoires, et si l’accès aux œuvres est en progrès (des investissements ont eu lieu pour améliorer l’accessibilité aux salles de cinéma, l’audiodescription destinée aux malvoyants ou encore le sous-titrage pour les malentendants…), peu de choses ont changé concernant l’insertion professionnelle des artistes et techniciens handicapés.
Certes, il y a régulièrement de formidables exceptions. En 2024, la comédie d’Artus « Un p’tit truc en plus » a été un triomphe public et commercial, et on a vu son casting, composé majoritairement de comédiens en situation de handicap, monter les marches du fameux Palais des Festivals, à Cannes. Un événement symbolique et surtout rarissime dans le milieu du cinéma, puisqu’il faut remonter à 1996 et au prix d’interprétation masculine décerné à Cannes au comédien Pascal Duquenne (pour le film « le Huitième jour ») pour trouver une occasion comparable de célébrer l’inclusion à travers une œuvre de fiction.
Le Syndicat des Professionnels du Cinéma en Situation de Handicap (SPCH), que j’ai fondé en 2019, a ainsi lancé une mobilisation du milieu professionnel en faveur de l’inclusion, avec une revendication majeure : l’adaptation du régime des intermittents à la situation des personnes reconnues « travailleurs handicapés » (RQTH). En effet, on observe que les artistes et techniciens souffrant d’un handicap visible ou invisible éprouvent de grandes difficultés à
trouver du travail dans ce secteur, du fait d’a priori de certains employeurs d’une part et d’un cadre de travail pas suffisamment adapté d’autre part.
Pour accéder à ce précieux régime des intermittents du spectacle – qui permet à la France de s’enorgueillir de la vivacité et la performance de son industrie culturelle –, il faut justifier de 507 heures de travail salarié par an, un seuil inaccessible pour la plupart des artistes et techniciens handicapés dans l’état actuel des choses. Ainsi, ces derniers sont repoussés hors de ces métiers : les jeunes talents en situation de handicap, même lorsqu’ils ont eu la chance d’accéder à une formation adaptée (bien trop rare en France !), se découragent et renoncent à embrasser ces carrières ; quant aux téméraires qui se lancent, ils finissent par abandonner, faute de pouvoir être intégrés dans le régime. C’est un cercle vicieux, qui rejette hors du milieu professionnel les talents en situation de handicap, ceux-ci étant finalement orientés vers des jobs éloignés de leurs vocations. Ainsi, même lorsqu’un producteur ou un réalisateur souhaite adopter une approche inclusive et se met en quête d’acteurs ou de techniciens handicapés, il éprouve des difficultés à les recruter, faute d’un « vivier » suffisant.